Président à vie, Maréchal, Empereur… l’on peut le moquer, le tourner en dérision, mais Bokassa nous apprend beaucoup sur l’état d’esprit de certains présidents africains. Peu importe comment ils arrivent au pouvoir, que ce soit par des guerres, des coups d’état, des victoires électorales honnêtes ou par des fraudes, la plus part y accèdent pour y mourir.
La présidence serait-elle considérée comme une retraite dorée ? Ou est-ce un mouroir tout comme nos C.H.U. ?
Passer 30 ans au pouvoir, ou prétendre à un énième mandat à l’âge de 85 ans, ils ont toujours l’intime conviction qu’ils sont ceux qui apporteront du renouveau à leur pays. Etrange conviction quand on connaît l’état économique et social de nos pays.
Qu’y a-t-il dans ce poste de président pour qu’on y perde ses ambitions nationalistes quand on y arrive ? Et surtout, qu’y a-t-il pour qu’on veuille y rester à vie ?
Des questions dont on ne connaîtra jamais les réponses. Ils seront trop habiles pour vous donner des réponses vraies. Ils vous diront qu’ils veulent aider le peuple ou rester au service de la nation mais vous conviendrez avec moi, que c’est plutôt le peuple qui se met au service de cette élite.
Un raisonnement simpliste, mais Bokassa au moins avait le mérite d’être honnête même s’il était certes, caricaturé, diabolisé et qu’il perdait certainement la tête. Pour lui, être empereur était le seul moyen de rester numéro 1 de la nation et de laisser d’autres (plus compétents) la gérer. Un peu comme l’est la reine Elisabeth dans le royaume d’Angleterre. Si nos présidents à vie avaient cette même idée, cela nous aurait au moins permis d’éviter toutes ces mascarades électorales et d’économiser les fonds de l’Etat utilisés pour les organiser. De toute façon, dans certains Etats, des fils succèdent à leurs pères morts au pouvoir. Quelle est la différence avec un empereur ?
« Je n’aime pas le tribalisme, j’aime juste ma tribu, plus que j’aime mon pays »
Où en est l’Afrique après 55 ans moyens d’indépendance ? Rappelons que plus de sang a coulé en Afrique indépendante qu’en Afrique colonisée. Nos présidents n’en sont pas étrangers. Il est bizarre qu’ils soient plus sanguinaires que nos anciens colons. Certains Afro-pessimistes commencent même à regretter cette terrible période coloniale.
Des présidents à vie qui ont encore un fort soutien d’une branche de la population. Vous savez, chez nous, être de la même région est plus important que l’état de nos économies nationales.
Oui ! Nous sommes grandement responsables quand un homme devient sans le dire, président à vie. Cet homme que l’on aime entendre chaque nouvel an, fait bien partie de la famille. Incompétent ou pas, il reste tout de même notre « Papa national ». Et pour cela, tout lui est pardonné. Pour lui, nos enfants arrêteront les cours, se mettront au bord des routes pour applaudir et chanter ces chansons élogieuses quand passera son pompeux cortège présidentiel. Pour lui, on n’hésitera pas à se servir de la machette quand notre voisin, qui lui au moins nous soutient dans les moments difficiles, se permettra de le juger.
Comment fait-on pour accorder un quatrième mandat à un président, quand nous faisons nous-même partie de ces millions de chômeurs qui augmentent chaque année ? Qui comprend l’étrange espoir africain quand on entend certains dire : « Les quatre mandats précédents étaient un coup de malchance, il fera mieux la prochaine fois ».
« Quand l’union ne fait pas toujours la force… »
Je critique, je critique, mais une partie de moi comprend ces présidents qui veulent se maintenir au pouvoir coûte que coûte. Car, si même en étant un président en exercice, la CPI leur adresse un mandat d’arrêt international, qu’adviendra-t-il s’ils ne le sont plus. Non, nous le peuple ne sommes pas les seuls responsables. La CPI l’est, la fameuse communauté internationale aussi, les partis de l’opposition qui se délectent quand des pays étrangers se permettent de bafouer nos institutions le sont aussi. Et, l’Union Africaine, cette jolie expression qui ne veut rien dire, l’est encore plus.
Quel conflit a déjà réglé cette instance ? Quel drame nous a-t-elle permis d’éviter ? Où était-elle quand la Lybie se faisait exploser ? Quand le Biafra se faisait la guerre ? Ou quand le Mali se faisait attaqué? A-t-elle même une force armée ? A-t-elle une instance judiciaire ? Oui ? Je finis même par me demander si cet organisme est présidé par la France vu sa présence dans le règlement de tous nos conflits. Encore heureux que l’UA ait soutenue le président soudanais sous mandat d’arrêt international. Rappelons quand même que bons nombre d’anciens présidents africains croupissent à la Haye. Que certains d’entre eux, pourtant encore en exercice, sont sous mandat d’arrêt français pour détournement de biens publics…africains, qui plus est ! Il m’est quand même aberrant de voir la France juger nos présidents. Etes-vous sûrs que nous sommes indépendants ?
Il y a certainement des accords de coopération. Pourrons-nous donc poursuivre Michèle Alliot Marie pour répondre du crime des ivoiriens tués par l’armée française en 2004 ? Qui a répondu à la plainte lancée pour répondre du génocide Bamiléké perpétré par de Gaulle et l’armée française en 1960? Pour ne citer que ceux-là.
Des œillères ! Nos membres de l’UA font mine de ne rien voir, ils se plaignent de rien et s’étonneront que demain ces mêmes choses leur arrivent. Ils parlent d’union dans une Afrique désunie. Diantre ! Et dire que nos impôts alimentent cette institution qui ne nous apporte rien. Economie zéro, sociale, zéro…En plus, elle n’est même pas capable de protéger et de punir ses membres. Cela ne vous offusque pas que même pour ça on doive tendre la main ?
Il est vrai que cela est délicat. Doit-on poursuivre un ex président qui a commis des méfaits dans l’exercice du pouvoir ou, doit-on lui accorder l’immunité pour lui permettre de quitter le pouvoir en toute sérénité ? Et si on polémiquait? Chacun y va de son avis, mais je pense que c’est à l’U.A de réfléchir à cela et de nous pondre une loi sur cette question.
Il est temps que les Africains assument leurs erreurs et leurs responsabilités. Il est aussi grand temps qu’on prenne en main nos Etats sans attendre l’aide de certains pays Occidentaux. Nous sommes à la fois victimes et complices de tout ce qui nous arrivent. Car, pour paraphraser Einstein, l’Afrique ne sera pas détruite par ceux qui font du mal mais plutôt par ceux qui les regardent sans rien faire.
Yves Bada
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