« Ah l’Occident, cette destination de rêve ! » combien sommes-nous à l’avoir dit ? France, Canada, Etats-Unis, Angleterre… même en vivant dans l’un de ces pays, nous avons tous ce rêve de découvrir les autres. Normal ! Comment ne pas ressentir ce désir quand on voit les images que l’on projette de ces pays ? Que ce soit dans des films ou séries, dans des émissions ou des journaux télévisés, ou dans de simples clips-vidéos, les choix de la lumière, de l’image et de l’angle de la caméra sont tellement bien pensés, que vous avez l’impression que même le ciel vous paraît plus beau qu’en réalité.
Ah le pouvoir des images ! Un pouvoir qui semble cependant ne pas fonctionner sur l’Afrique. Doit-on comprendre qu’elle n’a rien à offrir ?
« Tu sais que tu es Africain quand…tu vis dans une cabane en terre battue. »
« Ah bon ? Il y a des voitures chez vous ? », « Parle-moi de ton pays l’Afrique», « Tu n’as pas eu peur de prendre le bateau pour venir ici ?», « C’est normal que vous n’aimiez pas le steak tartare vu qu’il n’y a pas de réfrigérateur chez vous » … toutes ces questions hilarantes mais souvent blessantes que l’on entend en Occident lorsque l’on dit venir d’Afrique. Mais peut-on leur en vouloir pour ces questions ? Les gens qui n’y ont jamais mis les pieds, ne connaissent de l’Afrique que ce qu’ils voient à la télévision. Une ignorance qui n’a donc, bien souvent, rien à voir avec du racisme. Moi l’Africain, j’ai été surpris, ce jour où je l’ai rencontré, de voir qu’il ne semblait pas souffrir de famine, cet ami Éthiopien fraîchement arrivé en Europe.
« Dis-moi quel est ton continent, je te dirai qui tu es »
Dans les médias, l’Afrique ne rime qu’avec guerre, famine, maladie et extrême pauvreté. Rien d’étonnant dans ce cas, que dans des films américains par exemple, les méchants occidentaux sont souvent décrits avec beaucoup de classe, instruits et vivant dans des appartements luxueux ; tandis que lorsqu’ils sont africains et surtout filmés en Afrique, ils vivent dans la brousse, sont peu raffinés et en général sans grande éducation .
Aussi, qui dit Afrique dit faune. Un avantage certes, mais un avantage mal compris. Car, je doute que des hommes, un lion, un phacochère et une girafe vivent dans le même endroit comme l’affirme Tintin dans son voyage au Congo.
Nous sommes tous conditionnés par ces caricatures ou ces images que nous voyons à la télévision. Des éléments qui alimentent les stéréotypes et favorisent souvent les difficultés d’intégration hors d’Afrique.
« On n’est jamais mieux servi que par soi-même, enfin… presque »
Comment se plaindre des autres quand nous sommes incapables de faire mieux ? A quoi nous servent concrètement nos médias? Trouvez-vous normal que ce soit par exemple, les journalistes français qui nous informent des problèmes dans un pays voisin ou pire, dans nos propres pays?
« Chez moi en Côte d’Ivoire, pendant la guerre, ils nous passaient à la télévision des chansons religieuses tandis que sur les chaînes françaises, ils nous montraient leurs images à eux de la guerre. » me disait un ami.
Rares sont les médias Africains qui envoient leurs journalistes sur le terrain. Leurs sources sont bien souvent les médias occidentaux. Il est donc normal que l’on priorise leurs analyses par rapport à celles de nos médias. Nous n’avons malheureusement pas de quoi faire un contrepoids dans une ère où la maîtrise de l’information est capitale.
« Et ils s’étonnent que leurs compatriotes Africains ne s’intéressent pas à leur culture »
Si vous n’avez pas affaire à un gouvernement qui s’adonne aux menaces, atteintes physiques ou aux meurtres des journalistes, vous aurez affaire à un gouvernement qui garde sa mainmise sur le secteur télévisuel en refusant de le privatiser. Sans concurrence locale, et réelle autonomie, comment rehausser le niveau des programmes et intéresser les téléspectateurs ?
« Je paie chaque mois, une taxe de redevance pour la chaîne nationale. Le pire c’est que je ne la regarde même pas. »
Une bonne partie de la population africaine préfère donc les chaînes étrangères aux chaînes continentales. Et, sachant que les chaînes occidentales parlent très peu de culture africaine, l’inconvénient principal est donc que l’Africain lambda, surtout le plus jeune, s’intéresse de moins en moins à sa propre culture ou ne la connaît pas du tout. Notre patrimoine culturel étant sous exploité, je comprends donc les panafricanistes quand ils disent: « Ils ne savent plus d’où ils viennent, ils ne savent plus qui ils sont, les Africains se perdent ».
« Tout cet argent que l’on perd »
Avec peu de réformes pour dynamiser le secteur télévisuel et concurrencer les médias de masse, il est plus dur pour une série, un film ou un chanteur africain d’avoir une visibilité. Qui dit peu de visibilité dit peu de notoriété, donc peu d’entrée d’argent, non seulement pour les producteurs mais aussi pour les artistes. Une perte donc pour l’Etat car avec des poches vides, comment peuvent-ils payer les impôts ?
Aussi, un pays où il n’y a que guerre et maladie n’est pas ce que recherche vraiment un touriste occidental. Pire, l’Africain lui même n’est pas intéressé par une découverte de l’Afrique. Vous avez beau aimé le soleil, vous n’irez pas vous prélasser sur une plage d’un pays en guerre.
Cette mauvaise image que véhiculent les médias occidentaux a un impact sur nos économies. Vous vous demandez si ce n’est pas calculé n’est-ce pas ?
L’Afrique a tant de choses et de talents à offrir, il serait peut-être temps qu’on fasse quelque chose pour aider les autres continents à le voir et le comprendre.
Yves Bada
Très ravis article vraiment constructif. Le racisme dépend de la victime a lui de juger
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