Encore nous. Comme toujours, nos élections se terminent par une contestation accompagnée par un bain de sang. Cette fois, ce sont les gabonais qui sont à l’honneur. Ali Bongo aurait manipulé les résultats des élections présidentielles. Quelle surprise ! Ping, ancien secrétaire de l’Union africaine, s’improvise, comme il l’annonçait lors de sa campagne, en sauveur du Gabon. Il appelle ses compatriotes, au vu des résultats truqués, à se battre pour leur liberté. Et rebelote ! La communauté internationale, elle, semble avoir choisi son camp. Elle demande, tout comme Jean Ping, le recomptage des voix. La France s’inquiète pour ses ressortissants. Les médias français nous donnent, comme à leurs habitudes, l’avis d’un seul camp, celui de Jean Ping. Comme si aucun gabonais n’avait voté pour Ali Bongo. Sur les réseaux sociaux, les statuts ne sont pas rassurants. Des amis d’avant s’échangent des mots durs. La haine a pris le dessus. Les photos circulent, des corps sans vie, des mères qui pleurent leurs enfants et des proches disparus qui alimentent la haine anti-Bongo.
Vu de loin, cette situation paraît simple. Nous avons d’un côté le méchant Bongo, descendant et héritier de Bongo Père avec ses 42 ans de royauté ; ce tricheur qui, comme en 2009, n’a pas hésité à falsifier les résultats de cette année. Et de l’autre, le sauveur Ping, égérie de la liberté gabonaise qui s’est vu voler sa victoire. Mais doit-on s’arrêter là ?
Il faut le dire, pour un africain non gabonais, il est dur d’entendre le nom Bongo sans une certaine appréhension. Un père multimilliardaire qui finançait les campagnes électorales françaises, pendant que le pays s’enlisait dans la pauvreté. Une fille excentrique qui n’hésitait pas à affréter un avion pour s’acheter en Europe, des glaces pour l’anniversaire d’un enfant. Un fils succédant au père comme si les seuls capables de diriger le pays devaient s’appeler Bongo. Pour faire court, il est facile de détester la famille royale. L’annonce de la candidature de jean Ping a été perçue pour beaucoup comme une chance de changement pour le Gabon. Ce fameux Ping, qui avait osé critiquer ouvertement la CPI en dénonçant l’inculpation des présidents africains laissant libres les présidents européens. Pourtant, cette fois, j’ai du mal à donner totalement tort à Bongo.
Je ne parlerai pas de la gouvernance et des extravagances de ce dernier. Je ne parlerai pas non plus de ses déboires avec la justice française ; même si, je ne comprends toujours pas de quel droit la France se permet d’enquêter sur un président d’un autre pays. Il y a effectivement beaucoup de choses à reprocher à Bongo. Il faut l’avouer, il est facile de le détester. Cependant, Ping, est-il exempt de toute critique ?
« Je t’aime … moi non plus »
Aujourd’hui Ping critique cette dynastie qui l’a aidé à se construire. Cette dynastie dont fait partie ses enfants vu que Ping a été le beau-frère de Bongo. S’agit-il d’un problème familial ? Ou d’un problème d’héritage ? En tout cas, une chose est sûre, cette proximité à la famille de Bongo lui donne de la crédibilité quand il affirme que ce dernier n’est pas Gabonais. Et c’est ce que je trouve malheureux. L’argument phare de ce haut fonctionnaire, ce docteur en économie n’est pas une brillante idée économique ou sociale, non. Sa carte maîtresse est la nationalité douteuse d’Ali Bongo comme si lui, Ping était un pur gabonais. Sa campagne s’est donc axée sur la destruction de la crédibilité de son adversaire et non sur le programme qu’il avait à offrir. Pense-t-il que le fait d’avoir été haut fonctionnaire le dispense d’expliquer son programme politique, économique et social ? En plus d’être démagogique, sa campagne avait pour but, selon moi, de semer la division entre les gabonais. Dites-moi, quelle est la différence entre le discours de Marine Lepen en France et celui de Jean Ping ?
« A malin, malin et demi »
Alors, Bongo a-t-il triché ? Pour être honnête, le contraire m’étonnerait. On se rappelle dans quelle condition ce monsieur a accédé au pouvoir en 2009. Cependant, la probable tricherie de Bongo exclut-elle celle de Ping ? Car, ne l’oublions pas, Bongo aussi accuse Ping de tricherie. Oui, vous me direz qu’il n’a aucune crédibilité, mais l’auto proclamation de Ping, alors même que le décompte des voix de la CENAP n’était qu’à 30% ne joue pas en sa faveur. Elle n’était ni légale, ni réfléchie. Pour moi, cela était une stratégie perfide qui avait pour but de semer la confusion dans l’esprit de ses partisans. Aussi, rappelons qu’avant même les élections, lors d’une interview sur France 24, Ping excluait toute défaite et parlait déjà de tricherie de la part de Bongo comme s’il anticipait sa probable défaite. Est-ce comme ça qu’on fait de la politique ? A quoi bon participer à ces élections s’il savait que Bongo tricherait ? Pour tout vous dire, et vous l’aurez certainement deviné, j’ai du mal à accorder du crédit à Ping surtout quand il affirme « je sais comment on truque des élections, je l’ai fait pendant des années ».Selon moi, les deux sont des tricheurs. La seule différence c’est que l’un a été plus malin que l’autre et fait au moins semblant de respecter les institutions de son pays.
« Chacun à son tour… »
Aujourd’hui, soutenu par la communauté internationale, Ping demande le recomptage des voix. Une demande qui étonne et amuse les ivoiriens car la communauté internationale et Ping avaient rejeté cette même demande formulée par Gbagbo en 2010. Une demande qui, si elle était acceptée, aurait certainement permis d’éviter le bain de sang en 2011 en Côte d’Ivoire.
« Ayez des institutions fortes…mon oeil »
Ali, de son côté, demande à Ping de suivre la loi en saisissant le conseil constitutionnel qui est le seul à statuer sur cette question. Une demande approuvée par l’Union Africaine qui, notons-le, tient tête pour la première fois à la communauté internationale. Cependant, toujours soutenu par la communauté internationale dont les USA de Barack Obama, Ping refuse. Selon lui, le conseil constitutionnel est à la botte de Bongo. Il n’a certainement pas tort. Mais qu’est-ce qu’il perd à le faire pour que nous voyions tous à quel point Bongo est un tricheur ? Ça nous aurait surement permis d’économiser des vies surtout qu’il a quand même participer aux élections, alors qu’il supposait aussi que la CENAP était aussi à la botte d’Ali.
« Incohérence quand tu nous tiens »
Encore une fois, les grands perdants sont les manipulés : la population. Ceux qui pensent se battre pour leur liberté alors qu’ils se battent en vrai pour les intérêts de leur candidat et aussi des forces économiques qui soutiennent ce dernier. Chez nous, la logique veut qu’on se plaigne de la pauvreté et qu’on détruise le peu d’infrastructures que nos impôts ont payés.
J’ai mal pour notre Afrique quand je vois tout ce qui s’y passe. Notre complexe est profond et je me rends compte que peu importe nos pays, nous souffrons d’une incroyable incohérence. Oui, les premiers à bafouer nos institutions, notre dignité et nos pays sont les hommes politiques. Mais nous, populations nous en sommes tout aussi responsables. Quand je pense que nous demandons aux autres nations de nous respecter et que nous, nous sommes incapables de nous respecter nous-mêmes, oui, j’ai mal pour mon Afrique. Nous sommes des pseudo-panafricains n’ayant aucune idée de la définition des mots Souveraineté et Indépendance. Par haine pour notre adversaire politique, nous appelons la France à intervenir dans nos problèmes nationaux. Dites-moi chers amis, où est-elle cette indépendance. Au lieu de respecter nos institutions ou au pire, saisir l’Union Africaine, nous appelons la France à l’aide, dites-moi chers amis, où est-elle cette souveraineté. Et après, nous serons les mêmes à nous plaindre que la France récupère des marchés et qu’elle impose ses règles. Diantre ! Vous pensez vraiment qu’elle interviendra sans rien en retour ? Réveillons-nous chers amis amoureux de l’Afrique, les bisounours ne se trouvent que dans un monde imaginaire. Si vous demandez à la France d’intervenir quand cela sert vos intérêts, ne vous plaignez pas qu’elle intervienne demain quand cela servira les intérêts de vos adversaires.
Yves Bada