La course au fauteuil présidentiel ne se déroule et ne se termine pas toujours de façon pacifique et démocratique surtout dans nos Etats africains. Sur le continent, c’est la période propice pour assister à toutes les situations saugrenues et inimaginables. De la modification d’une constitution pour entamer un dixième mandat au tripatouillage des résultats tout y passe. Politique rime malheureusement avec danger, pertes en vies humaines comme ce fut le cas en 2010 pour les élections présidentielles en Côte d’Ivoire. Quelques années plus tard ce fut le tour d’un pays voisin le Burkina Faso qui cherche encore les voies et moyens pour retrouver une véritable stabilité.
Alors jetons un regard sur la situation de ce pays….
Le Burkina Faso une ère de révolution
Blaise Compaoré président depuis 27 ans du Burkina Faso, Etat démocratique décide de se présenter pour un nouveau mandat présidentiel en dépit de l’obstacle posé par la constitution et des conseils pour cette fois avisés de la communauté internationale. Comment y arriver ? Par le procédé le plus prisé des chefs d’Etat africains, la modification de la constitution. Procédé utilisé à tort et à travers dont on devrait davantage repenser la mise en œuvre et sur lequel nous reviendrons plus tard.
Face à cette envie de briguer un énième mandat le peuple burkinabé en quête de changement va suivre la mouvance révolutionnaire des pays arabes. Situation rarissime en Afrique noire, en Afrique de l’Ouest, si bien que le président burkinabé n’a pas su réellement apprécié la gravité de la situation et surtout le nouveau tournant qu’avait décidé de prendre son peuple. S’en suit ce que nous savons, Blaise Compaoré est contraint à l’exil entre la Cote d’Ivoire et le Maroc.
Si ce sursaut national a été salué par les épris de liberté et de démocratie, il serait malhonnête de ne pas dire que le Burkina post révolution se cherche encore à l’instar de toutes les néo révolutions. Entre transition dirigée à présent par le conseil national de transition(CNT), réunions au plus haut niveau et multiples sommets rien ne se profile vraiment à l’horizon. Le pays est encore fébrile politiquement et même socialement. Dans ces conditions, difficile de véritablement tourner la page Blaise Compaoré qui jouit encore d’une certaine influence au sein de la classe politique et surtout au sein du régiment de sécurité présidentielle(RSP) chasse gardée du président déchu. Comment tourner cette page ? La solution idéale pour les technocrates africains : Une nouvelle élection, un nouveau président. Dans le principe c’est la solution la plus logique. Cependant il ne faudrait pas que ce soit une solution de facilité. En effet il faudrait réunir toutes les conditions en vue de se lancer dans une telle entreprise qui s’avère assez périlleuse surtout que des tensions commencent à se faire sentir au sein de la classe politique. Dans ce processus pré-électoral, le CNT décide de modifier le code électoral en introduisant un article qui fera couler beaucoup d’encre. Il reprend, pour commencer, les dispositions de la Charte africaine de la démocratie et de la bonne gouvernance. En ses articles 135, 242 et 166, la nouvelle loi exclut de la présidentielle, des législatives et des municipales, « toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels ayant conduit à une insurrection ou à tout autre forme de soulèvement, sont inéligibles ». Si cet article peut paraitre injuste il faut dire qu’il s’inscrit dans une volonté de mettre à la tête du pays des dirigeants capables de respecter la constitution. L’initiative est certes louable dans le principe mais il faut se rendre à l’évidence il ne garantit en rien une prise de conscience dans la pratique ; Il ne garantit en rien la venue de dirigeants qui n’auront pas de volonté de faire une « carrière » de président. Cette réforme s’est vue et à juste titre comme une façon d’écarter définitivement les proches de Blaise Compaoré de la course présidentielle. Si je devais donner un avis je dirai qu’il y avait mieux à faire plutôt que d’utiliser le droit pour une vengeance politicienne.
Ce climat de tension ne pouvait qu’empirer devant l’implication plus que gênante du RSP dans le processus. Une ombre militaire qui plane toujours sur ce régime telle une épée de Damoclès. Ne pas dissocier le politique du militaire peut entrainer des complications et le Burkina ne dérogera pas à cette règle.
Le Burkina une bombe à retardement ?
A la surprise générale pour certains et comme une évidence pour les observateurs assidus de la situation burkinabé, nous apprenons que le pays fait face à un putsch du général Diendéré proche de l’ex homme fort du pays des hommes intègres. Les revendications sont toujours les mêmes en tant que personne éprise de liberté il ne pouvait pas laisser son pays sombrer dans cette léthargie.
Mais le doute subsiste encore et les coïncidences sont plus que surréalistes.
Devant tous ces éléments les regards se tournent inévitablement vers Blaise Compaoré. Tire –t-il les ficelles ? Se fait-il aider par son nouveau pays d’accueil la Cote d’Ivoire ? Ces interrogations sont plus que légitimes au vu de la situation surtout qu’une perquisition au domicile burkinabé de l’ancien chef de la rébellion en Côte d’Ivoire et actuel président de l’assemblée nationale ivoirienne aurait conduit à mettre la main sur des armes. Par la suite, il s’est avéré qu’il s’agissait du domicile de l’ex première dame. Ce cafouillage autour de cette perquisition donne sens à cette formule « Quand c’est flou il y a un loup »
En tout cas, il faudrait éviter de jouer encore à ces jeux de putsch dans une région qui n’est pas très stable politiquement. En effet la paix dans les Etas d’Afrique de l’Ouest est encore relative. Des Etas comme la Cote d’Ivoire, le Burkina Faso, le Libéria, la Guinée sont de véritables volcans endormis. Financer un coup d’Etat, fragiliser un Etat pourrait avoir des conséquences dramatiques notamment sur l’entente entre les différentes populations.
Heureusement, le peuple burkinabé a une fois de plus montré qu’il était dans une optique de démocratie durable et véritable. Il s’est encore levé comme un seul homme soutenu par le reste de l’armée pour dire NON à la forfaiture du RSP.
Cette pression nationale extraordinaire et africaine en demi-teinte a permis de freiner les ardeurs des pseudo défenseurs du peuple burkinabé. La médiation de la CEDEAO n’a pas véritablement convaincu la majorité. Le président sénégalais a proposé de revenir sur l’invalidation de certaines candidatures et sur une amnistie des putschistes. Si je trouve intéressante l’idée d’ouvrir les élections à tous les candidats, je suis plus sceptique sur l’idée de l’amnistie. Il est grand temps que nous arrêtions de brandir à chaque fois cet outil, de penser que ce procédé permet la réconciliation ; A un moment chacun doit assumer ses responsabilités. La loi intervient pour notamment punir les personnes responsables d’infractions et nos Etas africains devraient laisser plus souvent le droit s’appliquer en vue de freiner toute envie de commettre des putschs. Ce procédé d’amnistie est tellement utilisé que les putschistes n’ont plus peur de se lancer dans leur dessein. Il faut donner un exemple pour que les nouvelles générations ne grandissent pas avec le sentiment que le putsch est une solution normale et évidente pour résoudre tout problème politique ou pour contester un pouvoir que l’on ne désire pas ; Dans un Etat démocratique, aucun putsch ne peut être toléré et les personnes qui en sont les commanditaires doivent subir la rigueur de la loi.
Ce bémol sur le chemin qui mène à l’élection présidentielle doit faire prendre conscience au Burkina et aux africains qu’il faut faire preuve de tact et de perspicacité en vue de retrouver une stabilité durable. Ne pas se précipiter et bâcler cette élection de sortie crise à l’instar de son voisin la Cote d’Ivoire en 2010.
Eric G.
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